Et si les citoyens devenaient les alliés clés de la recherche scientifique ?
- Sylvie Vandemeersche
- 15 avr.
- 4 min de lecture
Par Masatoshi Shimosuka
Analyste des politiques, Direction de la science, de la technologie et de l’innovation, OCDE
Quand on pense à la recherche scientifique, l’image qui vient souvent à l’esprit est celle de chercheurs en blouse blanche, manipulant des instruments complexes dans des laboratoires spécialisés. Pourtant, la science ne se limite pas aux experts. Depuis toujours, des citoyens passionnés participent activement à la production de connaissances – une pratique que l’on appelle aujourd’hui science citoyenne, ou science participative.

Un outil précieux pour les politiques publiques
Mais pourquoi la science citoyenne devrait-elle intéresser les décideurs politiques ? Parce qu’elle représente bien plus qu’un simple exercice de sensibilisation : elle peut véritablement renforcer l’impact, la légitimité et l’efficacité des politiques publiques.
1. Un levier pour étendre la portée de la recherche
Les citoyens, grâce à leur nombre et à leur répartition géographique, sont capables de collecter des données à une échelle impossible à atteindre par les seuls chercheurs. Surveillance de la qualité de l’air, suivi de la biodiversité, évaluation de la pollution de l’eau : leurs contributions enrichissent les bases de données essentielles à la prise de décisions éclairées.
2. Une réponse directe aux besoins des communautés
La participation citoyenne permet d’aligner la recherche sur les priorités locales. Pendant la pandémie de COVID-19, par exemple, les citoyens ont contribué à cartographier la propagation du virus et à faire reconnaître le phénomène du « Covid long ». Leur engagement a permis une réponse plus réactive et plus ancrée dans la réalité du terrain.
3. Un moteur de légitimité démocratique
En ouvrant les processus scientifiques à la société, la science citoyenne renforce la transparence, la confiance et la légitimité des politiques publiques. Elle favorise également l’appropriation des résultats scientifiques par les citoyens, condition essentielle à l’acceptation et à la mise en œuvre des politiques fondées sur la preuve.
Que peuvent faire les décideurs pour soutenir la science citoyenne ?
L’essor de la science participative ne se fera pas tout seul. Pour lui permettre de se développer durablement, les gouvernements doivent s’engager à créer un cadre politique favorable.
Parmi les leviers d’action :
Intégrer la science citoyenne dans les stratégies nationales de recherche et d’innovation ;
Investir dans des infrastructures de données, des programmes de formation et des mécanismes de financement stables ;
Appuyer la coopération internationale pour faire face aux défis globaux comme le changement climatique ou les pandémies ;
Favoriser le rôle des réseaux associatifs qui servent de pont entre institutions, chercheurs et citoyens.
Ne pas négliger les défis
Comme toute approche innovante, la science citoyenne comporte des défis : qualité des données, biais, validation scientifique, ou encore enjeux éthiques. Ces obstacles peuvent être surmontés grâce à :
Des normes de qualité et de validation des données robustes ;
Des cadres éthiques inclusifs ;
Un changement culturel dans les institutions scientifiques, reconnaissant la valeur et la légitimité de la recherche participative.
L’évaluation de son impact pose aussi question : les indicateurs classiques, comme les citations académiques, ne suffisent pas. Il faut développer de nouveaux outils pour mesurer les retombées concrètes, notamment celles qui bénéficient directement aux citoyens.
La science citoyenne : un héritage ancien et une dynamique actuelle
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la science citoyenne n’est pas un concept nouveau.
Dès l’an 801, les habitants de Kyoto consignaient la floraison des cerisiers – une tradition qui se poursuit aujourd’hui pour surveiller les effets du changement climatique. En Europe, du XVIe au XIXe siècle, les avancées scientifiques ont souvent été le fruit d’amateurs éclairés, mus par la curiosité et non par une carrière.
Puis, au XIXe siècle, la science s’est professionnalisée, creusant un fossé entre chercheurs et grand public. Ce n’est qu’à partir des années 1970, avec l’émergence de mouvements en faveur d’une science plus ouverte et plus responsable, que la participation citoyenne a retrouvé un second souffle. Le terme « science citoyenne » s’est véritablement imposé dans les années 1990 grâce aux travaux de chercheurs comme Alan Irwin et Rick Bonney.
Aujourd’hui, la science citoyenne est en plein essor, qu’il s’agisse de biodiversité, de climat, ou de santé publique. Elle s’impose progressivement comme un pilier de la science ouverte. Pourtant, son potentiel reste encore largement sous-exploité à l’échelle mondiale.
Quelle est la prochaine étape pour la science citoyenne ?
Un nouveau rapport de l’OCDE présente dix recommandations clés, soutenues par un cadre stratégique complet et des options politiques concrètes, pour aider les gouvernements et les financeurs à intégrer la science citoyenne dans leurs politiques de recherche.
L’adoption de ce cadre par les décideurs publics pourrait permettre de générer les connaissances scientifiques et les solutions nécessaires pour atteindre des objectifs critiques, tels que les Objectifs de développement durable (ODD) et la transition vers des sociétés plus résilientes.
La science citoyenne ouvre la voie à une recherche plus inclusive, connectée aux réalités du terrain et capable de répondre aux défis de notre époque.
Mais pour qu’elle déploie tout son potentiel, elle a besoin du soutien actif des décideurs, des institutions… et de vous.
👉 Et vous, avez-vous déjà participé à un projet de science citoyenne ?
👉 Pensez-vous que les gouvernements devraient lui accorder plus de place dans leurs politiques de recherche ?
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